(2013) moad / to my heart you have the key

À cette période de l’année, la température extérieure passait en-dessous des dix degrés Celsius et frisait parfois le zéro. Ça n’empêchait pourtant pas Thad et Moïra d’aller se balader dehors – il suffisait de se couvrir un peu plus que pour seulement aller faire quelques courses ou se rendre au travail. Moïra adorait se prélasser sur le sable, au soleil, en pleine température estivale, mais elle aimait presque tout autant se promener sur la plage en plein hiver, emmitouflée dans sa grosse parka à fourrure synthétique. La mer avait une saveur particulière, au milieu du froid. L’air iodé était étonnamment plus prégnant encore – peut-être était-ce dû au fait qu’il n’était pas caché par des odeurs de glace, frites et autres sandwichs. Et puis, surtout, il semblait que la mer n’appartenait qu’à eux. Qu’ils étaient les maîtres de la plage, avec le sable et l’eau à perte de vue. Ils croisaient de temps à autres un joggeur courageux, ou quelqu’un qui promenait son chien. Ils n’avaient pas besoin de regarder où ils marchaient, ni de zigzaguer entre les serviettes, et ne manquaient pas de se prendre un ballon en plastique dans la tête. C’était plus paisible, plus reposant. Plus romantique, aussi. Le cadre parfait pour annoncer à Thad que Moïra était enceinte. Elle gardait ça pour elle depuis la veille au soir, et elle n’y tenait plus : il fallait qu’elle le lui dise. Elle n’avait cependant pas voulu lui annoncer au-dessus d’une assiette de petits pois, ni devant le téléfilm qu’ils avaient regardé après le repas. C’était une chose trop importante à dire, trop belle aussi, pour le balancer comme ça. Elle voulait qu’ils se rappellent, des années plus tard, du moment et de l’endroit précis où ils avaient appris qu’ils allaient être parents pour la première fois. Moïra avait donc proposé à son amoureux d’aller se balader, comme ils le faisaient souvent. Elle avait tâché d’agir le plus normalement possible, même si ça n’était pas aisé. Elle était bien trop excitée pour pouvoir se contenir complètement ; elle était anxieuse, aussi. Stressée de la réaction qu’il aurait. Après tout, ils n’avaient jamais vraiment parlé d’enfants, pas d’en avoir ensemble en tout cas. Ils n’étaient peut-être pas en couple depuis assez longtemps pour ça, ou alors ils étaient encore trop jeunes pour y penser sérieusement. Pourtant, quand Moïra avait vu le petit signe positif sur le test de grossesse, elle avait aussitôt pensé que c’était une évidence. Qu’il n'y avait, en fait, rien de plus naturel. C’était l’homme de sa vie, Thad, elle en était persuadée. Elle ne se voyait avec personne d’autre, en tout cas. Et l’imaginer papa la remplissait d’une joie immense. Un bras entouré autour du sien, elle se blottit contre lui alors qu’ils marchaient tout doucement, à quelques centimètres de l’eau. « Tu as passé une bonne journée ? » demanda-t-elle, doucement. Il valait mieux cerner un peu son état d’esprit, avant de dire quoique ce soit.